Politis n°870
Rare et chair (chronique album)
Politis n°870 - Le 6 octobre 2005
Dans "À table", Bacchus mêle liberté d'aimer et sincérité sur un ton sarcastique.
Ne dites pas à mes parents que j'écoute du Bacchus, ils me croient chroniqueur à Politis, pourrait-on écrire en guise d'avertissement au dernier CD du sus-dit Nicolas Bacchus.
Une fois vos préados prévenus - et ainsi écartés des enceintes vers un petit écran autrement plus obscène -, vous pourrez, entre adultes consentants, passer À table, titre de cet album. Au menu, des chansons que l'on aurait dites libertines ou libertaires au temps de Villon ou de Brassens, mais ces mots détournés ne parlent plus que du marketing du sexe ou de la politique.
Disons que Bacchus nous chante le désir et ses aléas, l'addiction inquiète au plaisir. Notre désabusé se fend ici de quelques chansons particulièrement réussies (merci à Erwan Temple pour les paroles), qui en appellent à la nostalgie de la vieillesse ("J'veux pas être jeune!") ou de l'adolescence ("Peau d'âne"). Mais avec notre zèbre, même les innocentes balades sentimentales ("Les itinéraires") conduisent insidieusement au lit. Bacchus nous avoue son goût pour "les pommes d'Adam", puis nous entraîne en feulant dans "Les saunas" où "les hommes ont des odeurs de pomme..."
Mettez un instant de côté votre conformisme "gay-friendly", Bacchus n'a rien d'un chanteur communautaire pour bars arc-en-ciel. S'il nous parle avec impudeur de ses amours bisexuelles ou bigames, peu importe ses goûts. Bacchus chante l'exigence de sincérité dans les caprices du désir, et la quête d'un bonheur charnel universellement déçu. "La chair est triste hélas, et j'ai eu toutes les ivresses", nous confie-t-il en clignant de l'oeil vers les grands ancêtres.
Idem côté musique, où l'album va dans bien des directions, du clavecin au violon tzigane, en passant par l'accordéon. Des vieux Pantruchois à Trénet, de Gainsbourg à Souchon, Bacchus, fidèle à ses désirs boulimiques, a décidé de les honorer tous, avec les beaux graves d'un organe dont l'a généreusement doté Dame Nature. Une voix qui lui permet des imitations délicieusement fielleuses des collègues à la mode, Delerm ou Bruni: "Pourtant Carla m'a dit qu'il la broutait encore..."
On l'a compris, sa vraie famille, c'est Font et Val ou encore Juliette, avec qui il manie l'ironie en duo, insolents talents. Dans cete chanson si bien troussée sur nos amours uniques et pourtant interchangeables ("Enquête préliminaire"), deux personnes évoquent chacune l'inconnu qui, une nuit d'été... Etait-ce le même? "C'était bien l'été mais dans une autre ville et le prénom diverge... Il m'appelait (aussi) mon ange, notre enquête progresse..." Peu importe, l'inconnu ne sera que prétexte à rapprocher les corps, comme les concerts de Bacchus le sont à rapprocher les lèvres. Mais que restera-t-il des amours de Bacchus? "Je ne garde du sexe, dans un coin de kleenex, que l'souvenir complexe de ceux qui m'ont émus." L'émotion. Il aurait aussi pu commencer par là...
David Langlois-Mallet
Ne dites pas à mes parents que j'écoute du Bacchus, ils me croient chroniqueur à Politis, pourrait-on écrire en guise d'avertissement au dernier CD du sus-dit Nicolas Bacchus.
Une fois vos préados prévenus - et ainsi écartés des enceintes vers un petit écran autrement plus obscène -, vous pourrez, entre adultes consentants, passer À table, titre de cet album. Au menu, des chansons que l'on aurait dites libertines ou libertaires au temps de Villon ou de Brassens, mais ces mots détournés ne parlent plus que du marketing du sexe ou de la politique.
Disons que Bacchus nous chante le désir et ses aléas, l'addiction inquiète au plaisir. Notre désabusé se fend ici de quelques chansons particulièrement réussies (merci à Erwan Temple pour les paroles), qui en appellent à la nostalgie de la vieillesse ("J'veux pas être jeune!") ou de l'adolescence ("Peau d'âne"). Mais avec notre zèbre, même les innocentes balades sentimentales ("Les itinéraires") conduisent insidieusement au lit. Bacchus nous avoue son goût pour "les pommes d'Adam", puis nous entraîne en feulant dans "Les saunas" où "les hommes ont des odeurs de pomme..."
Mettez un instant de côté votre conformisme "gay-friendly", Bacchus n'a rien d'un chanteur communautaire pour bars arc-en-ciel. S'il nous parle avec impudeur de ses amours bisexuelles ou bigames, peu importe ses goûts. Bacchus chante l'exigence de sincérité dans les caprices du désir, et la quête d'un bonheur charnel universellement déçu. "La chair est triste hélas, et j'ai eu toutes les ivresses", nous confie-t-il en clignant de l'oeil vers les grands ancêtres.
Idem côté musique, où l'album va dans bien des directions, du clavecin au violon tzigane, en passant par l'accordéon. Des vieux Pantruchois à Trénet, de Gainsbourg à Souchon, Bacchus, fidèle à ses désirs boulimiques, a décidé de les honorer tous, avec les beaux graves d'un organe dont l'a généreusement doté Dame Nature. Une voix qui lui permet des imitations délicieusement fielleuses des collègues à la mode, Delerm ou Bruni: "Pourtant Carla m'a dit qu'il la broutait encore..."
On l'a compris, sa vraie famille, c'est Font et Val ou encore Juliette, avec qui il manie l'ironie en duo, insolents talents. Dans cete chanson si bien troussée sur nos amours uniques et pourtant interchangeables ("Enquête préliminaire"), deux personnes évoquent chacune l'inconnu qui, une nuit d'été... Etait-ce le même? "C'était bien l'été mais dans une autre ville et le prénom diverge... Il m'appelait (aussi) mon ange, notre enquête progresse..." Peu importe, l'inconnu ne sera que prétexte à rapprocher les corps, comme les concerts de Bacchus le sont à rapprocher les lèvres. Mais que restera-t-il des amours de Bacchus? "Je ne garde du sexe, dans un coin de kleenex, que l'souvenir complexe de ceux qui m'ont émus." L'émotion. Il aurait aussi pu commencer par là...
David Langlois-Mallet