Nos Enchanteurs

La verve de Nicolas Bacchus

Nos Enchanteurs - Le 30 juillet 2011

De notre envoyée spéciale en Avignon, Catherine Cour.

Nicolas Bacchus et Lucas Rocher (photo Laurent Prost)

Toujours à Avignon, mais tard, quand les boutiques sont fermées et que les pieds commencent à ne plus vouloir avancer, si vous avez envie de terminer la soirée sur une note gaie et des jeux de mots lestes (ou l’inverse), c’est à Nicolas Bacchus qu’il faut faire appel. Il tient salon à partir de 22 h 50 au cinéma Utopia, dans le centre-ville et nous offre, en première partie, un récital de Lucas Rocher : un jeune auteur-compositeur-interprète dont Nicolas produit le premier disque : Beau moqueur… mais je ne suis pas sûre que l’écouter mette tant de baume au cœur que ça ! En tout cas, c’est une découverte qui mérite le déplacement ! Ses textes sont déjà très travaillés, sa voix bien posée… mais ce qui m’a subjuguée (en plus de son physique de jeune premier ténébreux et de sa beauté assassine), c’est sa virtuosité à la guitare ! Je ne peux pas croire que quelqu’un d’aussi jeune ait déjà une telle maîtrise technique et une telle sensibilité dans le jeu. C’est bien simple : je vais devoir me mettre à croire à la métempsychose et essayer de justifier une telle aisance en pensant qu’il est la réincarnation d’une longue lignée de guitaristes virtuoses ! Et puis j’aime bien les gens capables d’auto-dérision… leur tête enfle moins que celles des gens qui se prennent trop au sérieux : « Je suis le garçon facile / Le benêt qui se noie / Dans un battement de cils / Dans une jolie voix / Des jupons volatils / Une couette ou un bas / Sont des pièges futiles / Voilà tout, c’est comme ça ! / Je ne sais pas dire non / À l’appel imbécile / De boulets en canons / De parfums en textile / Si les jeux du regard / Ne font de mal à personne / J’ai gagné mes cafards / Depuis, je les collectionne. »
Ensuite, c’est le tour de Nicolas Bacchus, que l’âge n’assagit pas et qui continue de trublionner, de s’indigner et de contrepéter à longueur d’album. Son quatrième opus (qui sert de base à son spectacle actuel) ne déroge pas à sa règle : appeler un chat « un chat » et refuser de rentrer dans un quelconque moule (dans une quelconque aussi, d’ailleurs… mais, bon… !). La gouaille de la recette du « filet mignon », pleine de sous-entendus, est aussi jouissive que sa description de la difficulté de vivre de nos jours pour un vampire (Trouble ode) ou ses coups de gueule sur Les gens de mon pays (paroles et musique de Thomas Pitiot) : « Les gens de mon pays s’enferment / Se barricadent l’épiderme / Les gens de mon pays s’enfoncent / Ils piétinent les fleurs / Ils n’offrent plus rien que des ronces / Au nouveau visiteur. » Alors, bien sûr, Nicolas dérange les programmateurs de spectacles qui ne veulent pas faire fuir le public « bien pensant » ou les rares subventions des communes. Il dit ce qu’il pense… et il en rajoute une couche dans la provoc’, alors il est catalogué « ingérable ». Il tape aussi bien sur le bourgeois que sur le syndicaliste… alors il est blacklisté par les organisateurs de festivals « institutionnels ». Il paye cash sa grande gueule qu’il ne sait pas fermer et ses choix de vie qu’il ne sait pas taire… Heureusement qu’il y a aussi des grandes dames de la chanson « engagée », des Anne Sylvestre, des Juliette, pour l’accompagner sur un bout du chemin et témoigner de l’estime qu’elles lui portent. Elles nous tracent la voie et nous disent d’aller écouter ce que Nicolas a à nous dire et qui est plus profond que ce que sa gouaille veut nous dissimuler. Suivez-les donc, dans la joie, vers la verve de Nicolas Bacchus.

Catherine COUR pour
Nos Enchanteurs, le blog de Michel Kemper

 
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