Let's motiv n°13

Sélection Midi Pyrénées Printemps de Bourges 2001 : Bacchus : Ton fils dort avec moi

Let's motiv n°13 - Le 1 février 2001

Vous avez peut-être déjà vu Nicolas Bacchus sur les planches du Bijou, du Fil à plomb, à la Loupiote ou encore au Bar de la plage... Petit homme seul, armé d'une guitare et de mots aussi incisifs que réjouissants, il n'a de cesse depuis deux ans de se produire sur les scènes de France et de Navarre, en ralliant toujours à sa cause public et critiques. C'est que l'artiste a du caractère et du talent à revendre ! Après un premier album autoproduit, "Coupe d'immondes... ", sorti début 2000, le voilà dans la course pour les Découvertes du Printemps de Bourges. Rencontre avec un personnage peu banal...

Que réponds-tu aux gens qui se plaignent qu'aujourd'hui, on ne sait plus écrire de chanson ?
Ce n'est pas parce qu'Obsipo remplit le Zénith qu'il faut dire que la chanson française est morte ou que plus personne ne sait écrire. II existe depuis toujours une alternative, mais ailleurs. II faut le dire au public : il faut se tourner vers les bistrots, les circuits alternatifs, les salles indépendantes. Là-bas, il y a des gens qui font des trucs bien. Bien sûr, tous ne feront pas le Zénith. II est clair que ce n'est pas facile pour nous, mais il y a de quoi faire son métier honnêtement. Et puis tant mieux ! Le Bijou, par exemple, c'est pas mal non plus...
Quels sont les thèmes qui te sont chers ? Qu'aimes-tu mettre en musique ?
La revendication politique et la revendication homosexuelle. Ensuite, j'aime le plaisir de jouer avec les mots. Pas forcément façon Bobby Lapointe, même si je lorgne de temps en temps de ce côté. J'affectionne l'exercice de style, les choses bien écrites. J'ai toujours écouté des gens qui écrivaient bien, donc ça m'oblige à de la rigueur.
Comment t'est venue cette franchise dans les mots ?
J'ai été élevé dès le biberon sur la musique de Renaud, Font et Val, Brel, Brassens... pas vraiment des gens qui mâchaient leurs mots. De plus - merci mes parents - il n'y a pas eu trop de tabous chez moi. Et c'était pareil à l'école, où on nous enseignait davantage à réfléchir par nous-même qu'à apprendre des leçons. C'était plutôt balancer des choses comme elles venaient, et voir quel effet ça pouvait avoir ensuite sur les autres...
Sur scène, tu as un petit côté café théatre. Tu discutes avec le public, tu te mets en scène. C'est important pour toi ?
Oui. Les artistes que j'apprécie sont ceux qui ont un vrai contact avec le public. Des gens comme Thomas Fersen, Juliette, qui n'hésitent pas à introduire une chanson triste avec une grosse blague, ou encore finir une chanson marrante en cassant tout le monde sur une note dramatique. A quoi sert de faire de la scène si c'est pour âtre aussi posé et concentré qu'en studio ? II y a toute une dimension, quand tu es sur les planches, qui ne peut pas âtre retranscrite sur un disque. A quoi bon voir un spectacle si c'est pour entendre la même chose qu'à la maison, l'éclairage en plus ? Dire trois mots pendant le spectacle, merci, mais trop peu pour moi ! Ca ne me suffit pas.
Quelles sont tes chansons qui trouvent une résonnance particulière dans le public ?
" Sale Pédé " et " Ton fils dort avec moi ". L'une est très provocante, très hard dans les mots et dans la description -crue- de ce que peut être une première expérience. Tandis que l'autre, sur le même sujet, a toutefois une approche plus initiatique,plus poétique, comme une histoire d'amour. Et les deux touchent les gens de deux manières très différentes. A propos de " Ton fils dort avec moi ", certains viennent me dire que c'est ainsi qu'ils auraient envie de vivre une première expérience, mais que par contre "Sale Pédé" est horrible. Et au contraire,d'autres te diront que "Sale Pédé " est très bien parce qu'elle "crache", et que c'est ainsi qu'on ne fera pas tous les mêmes conneries.
Est-ce que tu fixes des limites à tes propos ?
Non. Je ne m'autocensure pas, pas plus que je n'essaie de cibler mes textes ou de me brancher dans un style particulier. Rien n'est trop rock ou trop poétique pour moi. J'écris comme ça me vient, je vois ensuite sur scène ce que ça donne. C'est pour ça aussi que je peux mettre en musique des textes qui ne sont pas de moi. Parce que, sur des thèmes approchants, la manière de les traiter sera sans doute nouvelle pour moi, le style aussi. Et puis j'aime bien truffer mon spectacle de textes classiques, d'auteurs comme Jean Genet, ou Jean Richepin.
" J'écris des histoires d'amour parce que dans celles que j'écoute, il n'y en pas beaucoup qui ressemblent aux miennes. "
Malgré le Pacs, la Gaypride, les politiques qui ne cachent plus leur homosexualité, tu estimes qu'il reste encore beaucoup de travail à faire pour la tolérance ?
Oui. II n'y a pas trois mois, j'ai des potes qui se sont fait enlevés rue St Rome pour être emmenés en voiture et tabassés sous les pont du périphérique. Bien sûr, les gens sont plus tolérants, mais il reste encore une frange dure, des lieux dangereux. Ce n'est pas fini. C'est pourquoi j'en parle sur scène en disant " Soyez acide, montrez-vous, ce n'est pas en se cachant toute l'année et en se montrant une fois par an à la GayPride que les choses vont avancer !". Maintenant, je sais que ce n'est pas facile partout, qu'il est plus facile d'âtre homo quand on est musicien ou patron d'une agence de pub, que maçon.
Tu sens qu'il y a une utilité dans le fait d'en parler, de le chanter ?
Oui. II y a des gens qui reviennent me voir pour me dire que c'est grâce au disque qu'ils ont pu avouer à leurs parents ou à leur entourage, leur homosexualité. D'ailleurs, la plupart du temps c'est grâce à " Ton fils... ", qui s'adresse directement à une maman. C'est provoc', mais gentil. Et ça me fait plaisir, on se dit qu'on sert à quelque chose. Bien sûr, je ne me sens pas indispensable. Mais la fierté de pouvoir donner un moyen de plus... Si je me suis mis à écrire des histoires d'amour, c'est tout simplement parce que dans celles que j'écoutais alors, peu correspondaient aux miennes, d'amours.
Propos recueillis par Netilus
 
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