Courant d'art

Bacchannales de la révolte

Courant d'art - Le 1 mars 2002
Nicolas Bacchus sort son second album, enregistré en live au Bijou. Iconoclaste, à contre-pied, il donne un coup d'accélérateur à une carrière très prometteuse.
« Martin Luther King a dit: Nègre, nègre, nègre. Je répéterai ces mots jusqu’à ce qu’ils soient vidés de leur sens, jusqu’à ce qu’aucun enfant ne puisse pleurer en les entendant. La prochaine chanson s’appelle donc Sale pédé. » Bacchus manie le verbe et la provocation avec une égale dextérité. Son album live a été enregistré les 24,25 et 26 janvier au Bijou. Quatorze chansons, neuf baratins. Et rien à jeter.
Parti de la rue avec sa guitare, Bacchus a sorti début 2001 un premier album auto-produit et auto-distribué, Coupe d’immondes... Agé de trente ans, il chante aujourd’hui accompagné de cinq musiciens — Michel Herblin (harmonica), Vincent Trincal (violoncelle), Mounim Rabahi (percus), Blaise Michaut (sax), Christian Belert (guitare) — et d’Olivier Brousse à la sonorisation. De la chanson française qui part dans divers styles (folk, chanson française, tango, rock et même rock celtique) entre lesquelles Bacchus glisse avec humour et humeur.
Jacques Brel, Serge Gainsbourg, Alain Souchon, Jacques Higelin, Renaud ou Brigitte Fontaine comptent parmi les chanteurs qui l’inspirent. Pas Hugues Aufray, par contre, dont il reprend Le petit âne gris à toutes les sauces, montrant qu’en plus d’être un très bon chanteur, il imite pas mal non plus. Dans ses baratins, on reconnaît également l’influence, qu’il revendique, de Patrick Font et Philippe Val. On lit du Desproges, également, dans sa manière de jouer avec les mots.
La provocation, il l’utilise pour faire ouvrir les yeux. À son public, il "fait écouter plus que ce qu’ils veulent entendre". Évoquant l’unanimité avec laquelle Total est, depuis septembre, considéré par les Toulousains comme "un vilain capitaliste", Bacchus pose en passant la question "L’était-il moins quand il vous donnait du boulot?"
Son arme principale: l’humour. Noir, second degré, auto-dérision, jeux de mots ou phrases à tiroir, son arsenal est impressionnant de force et de fraîcheur. Ne jamais s’installer dans la routine d’une critique entendue, bien-pensante, " faire un croche-patte àl’idée générale acceptée". N’épargner personne. Ni eux - les intolérants et porteurs de jugement -, ni nous - peut-être pas si différents d’eux, et à qui il épargne ainsi cette si facile bonne conscience. Et surtout pas lui. Se moquant de la mise en scène de sa personne. De Bacchus, ce personnage, et de son discours. Puis, au fil des chansons, surgissent ces éclairs de vérité. Ces vécus aveuglants. Cette émotion qu’il tournait plus tôt en dérision. Rencontres et ruptures. Joies et douleurs. Amis et amours.
Si Nicolas Bacchus - Bages de son vrai nom - se plaît à bousculer la norme et les idées reçues, c’est peut-être, entre autres, parce que cette norme a longtemps eu tendance à exclure ou encadrer (écouter son baratin sur le Pacs) ceux qui préfèrent les garçons. Ouvrir les yeux du public ? Oui, bien sûr. Mais il s’agit aussi "d’offrir une image positive à destination du public homo" qui, "entre La cage aux folles et Les nuits fauves" a longtemps été en mal de modèles valorisants.
Grégory DZIEDZIC
 
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