Mauvaise humeur
"A propos d'une folie" - par Tony Anatrella - Le Monde du 26 juin 1999
Le 26 juin 1999
Dans le n° du Monde consacré au PACS, à l'occasion de la Gay Pride, l'article le plus faux cul et homophobe de l'année (Bien pire que Boutin, bien plus insidieux, sous couvert de grande tolérance [enfin, pendant trois lignes, faut pas pousser] et de "vérité scientifique" jamais montrée, basée sur un "bon sens" et une "nécessité naturelle" plus propres à l'auteur qu'au genre humain
) :
L'HOMOSEXUALITÉ n'est pas nouvelle. Depuis que les hommes et les femmes ont à construire et à organiser leur sexualité psychique, selon des tâches particulières qui marquent l'enfance et l'adolescence, elle existe. Qui peut nier avoir fait l'expérience de l'amour de son image, de la quête de l'identique ou de l'idéalisation du semblable sans pour autant s'y arrêter ? Mais il semble qu'on ait oublié, au cur des débats parlementaires sur le PACS et l'inscription du concubinage dans le code civil, de répondre à un certain nombre de questions. Qu'est-ce donc que l'homosexualité pour lui accorder une place de plus en plus importante dans les représentations sociales ? La société doit-elle la légitimer, lui offrir un cadre juridique pour l'organiser, la financer par l'impôt, en faire une norme ? Que signifie enfin de vouloir instituer du sexuel, et de quel sexuel s'agit-il ?
Il est utile de rappeler que c'est à partir de son identité sexuelle que chacun va socialiser sa sexualité à travers des relations, tenables dans la réalité. Et non pas à partir de tendances sexuelles, comme l'affirment de façon bien hasardeuse le traité d'Amsterdam et le Parlement européen. Car enfin, à moins de vouloir s'installer dans une société prégénitale et éclatée, c'est à partir de la relation homme- femme, qui s'exprime à travers l'hétérosexualité et dont découle la famille, que se fonde la société. Mais la symbolique des deux sexes a tellement de difficulté à être représentée dans la culture actuelle, empêtrée dans le subjectivisme et l'irrationnel, qu'elle se confond avec l'unisexe. Le discours homosexuel profite de ce flou pour se présenter comme le "troisième sexe". Plus libre, plus généreux, plus créatif que celui de ceux - l'homme et la femme - qui seraient fatigués à force de ne plus savoir comment s'associer.
J'ai déjà eu l'occasion de faire observer le paradoxe actuel. On veut inscrire dans la Constitution la différence des sexes, alors qu'elle n'est pas nécessaire puisque, à compétence égale, la fonction représentative peut être exercée aussi bien par un homme que par une femme. En même temps, on cherche à supprimer la différence des sexes dans le couple, voire la famille; qui ne peut pourtant qu'être fondée sur cette asymétrie. Le discours homosexuel vient se caler sur ce déplacement où le social serait sexué alors que le couple devrait, de plus en plus, être asexué, puisqu'on va jusqu'à assimiler l'homosexualité au couple homme- femme dans le concubinage.
Cette fin de siècle voit peu à peu l'individualisme régnant faire éclater les distinctions nécessaires entre le psychologique et le social, afin que la société s'organise en fonction des tendances de chacun, vécues à ciel ouvert. Au lieu d'inviter chacun à se socialiser, mieux vaut faire fi des normes objectives. A chacun sa loi, selon sa tendance, ses goûts, ses aspirations, bref sa subjectivité.
C'est ainsi que le PACS, voulu et conçu par les homosexuels, se présente comme un nouveau statut juridique. En fait, il contribue à brouiller le lien social : il laisse croire que la société doit organiser toutes les formes d'associations affectives, même les plus complexes. Nous devrions multiplier les cadres juridiques pour reconnaître le plus d'unions possible (union libre, concubinage, PACS, mariage), afin d'obtenir des droits parfois incompatibles avec certaines situations. Mais la loi peut-elle régler toutes les insécurités et toutes les incertitudes qui se cachent derrière ces demandes alors que d'autres solutions peuvent être envisagées ?
Emporté dans un élan euphorique, le législateur va plus loin quand il encourage le concubinage. En l'inscrivant dans le code civil, il en fait un mariage déguisé, puisqu'il bénéficie des mêmes droits sans avoir été officialisé. Mais élargir le concubinage à la relation homosexuelle revient implicitement à instituer, en la gommant, la différence des sexes, en même temps qu'est affirmée l'impossibilité d'envisager un mariage pour les homosexuels et encore moins, pour eux, l'adoption d'enfants. A partir du moment où une égalité est établie au titre du concubinage, comment pourra-t-on justifier que tous ne puissent bénéficier des mêmes droits ? Finalement, cette solution est pire que le PACS, car elle oblige à penser que la réalité du couple, composé de deux personnes de genre différent, un homme et une femme, est semblable à une relation homosexuelle. La négation de l'altérité, c'est-à-dire du masculin et du féminin, au fondement du couple, de la réalité matrimoniale et de la parenté, serait créée dans le code civil.
En adoptant de telles lois, la société va entretenir la précarité affective, laissant croire qu'un particularisme, voire une orientation pulsionnelle, vaut une réalité universelle. Ce qui s'apparente à une imposture intellectuelle ajoute au brouillage des normes qu'on ne cesse de déplorer par ailleurs. La multiplication des situations singulières, pas plus que l'union libre, ne peuvent être considérées par le législateur de façon neutre ou équivalente à la relation matrimoniale.
On se refuse, dans le climat actuel entretenu et relayé par des productions médiatiques de plus en plus nombreuses qui la banalisent et en font la promotion, de se poser les vraies questions sur l'homosexualité, La simple réflexion sur le sujet (alors que nous ne sommes pas dans l'ignorance quant à ses structures psychiques) et toute critique des projets qui visent à l'inscrire dans la loi, se voient systématiquement neutralisées sous couvert d'homophobie. Mais cette invective n'est-elle pas d'abord un déficit de la pensée dont l'objet est surtout de mieux paralyser l'interlocuteur?
S'il est vrai que certains slogans, entendus ici ou là, sont inacceptables, personne n'entretient une quelconque haine à l'égard des homosexuels ou ne leur reproche leur tendance. De là à laisser organiser socialement une tendance sexuelle... seule la personne est sujet de droit et de devoirs, ce qui n'est pas le cas d'une tendance sexuelle. En revanche, certains militants, en exhibant leur tendance, en deçà de leur identité, ne peuvent que susciter une réaction de mise à distance. Cela s'explique fort bien : par leur attitude, c'est comme s'ils voulaient réactiver, chez les autres, ce qu'il y a de plus primitif dans la sexualité. Chacun ayant pu s'élaborer autrement que dans le début de sa vie sexuelle, on comprend dès lors, chez beaucoup, le refus de se comporter dans la réalité comme au cours de sa préhistoire affective.
Qu'on le veuille ou non, l'homosexualité reste le symptôme d'un problème psychique et d'un en-deçà de la différence des sexes. C'est pourquoi elle provoque une réaction pour ne pas se laisser prendre dans l'enfermement du même et du semblable. L'impuissance et l'infécondité dont elle témoigne ne peuvent pas être source de lien social. De ce fait, comment justifier que la société ait des dettes à honorer à son égard ? L'inquiétude qu'inspire l'homosexualité, au-delà du respect des individus, est un sain réflexe de survie quand elle apparaît comme la négation du sens de l'autre, de l'amour objectal et de la filiation. Inscrire dans la loi le droit à la confusion des sexes est une folie dont les générations futures auront à assumer les conséquences.
Tony Anatrella est prêtre et psychanalyste. (Bref, tout ce que j'aime, retenez son nom et méfiez-vous des imitations, ça doit être difficile de faire pire, mais certains s'y emploient...)
LE MONDE / SAMEDI 26 JUIN 1999 / 17
L'HOMOSEXUALITÉ n'est pas nouvelle. Depuis que les hommes et les femmes ont à construire et à organiser leur sexualité psychique, selon des tâches particulières qui marquent l'enfance et l'adolescence, elle existe. Qui peut nier avoir fait l'expérience de l'amour de son image, de la quête de l'identique ou de l'idéalisation du semblable sans pour autant s'y arrêter ? Mais il semble qu'on ait oublié, au cur des débats parlementaires sur le PACS et l'inscription du concubinage dans le code civil, de répondre à un certain nombre de questions. Qu'est-ce donc que l'homosexualité pour lui accorder une place de plus en plus importante dans les représentations sociales ? La société doit-elle la légitimer, lui offrir un cadre juridique pour l'organiser, la financer par l'impôt, en faire une norme ? Que signifie enfin de vouloir instituer du sexuel, et de quel sexuel s'agit-il ?
Il est utile de rappeler que c'est à partir de son identité sexuelle que chacun va socialiser sa sexualité à travers des relations, tenables dans la réalité. Et non pas à partir de tendances sexuelles, comme l'affirment de façon bien hasardeuse le traité d'Amsterdam et le Parlement européen. Car enfin, à moins de vouloir s'installer dans une société prégénitale et éclatée, c'est à partir de la relation homme- femme, qui s'exprime à travers l'hétérosexualité et dont découle la famille, que se fonde la société. Mais la symbolique des deux sexes a tellement de difficulté à être représentée dans la culture actuelle, empêtrée dans le subjectivisme et l'irrationnel, qu'elle se confond avec l'unisexe. Le discours homosexuel profite de ce flou pour se présenter comme le "troisième sexe". Plus libre, plus généreux, plus créatif que celui de ceux - l'homme et la femme - qui seraient fatigués à force de ne plus savoir comment s'associer.
J'ai déjà eu l'occasion de faire observer le paradoxe actuel. On veut inscrire dans la Constitution la différence des sexes, alors qu'elle n'est pas nécessaire puisque, à compétence égale, la fonction représentative peut être exercée aussi bien par un homme que par une femme. En même temps, on cherche à supprimer la différence des sexes dans le couple, voire la famille; qui ne peut pourtant qu'être fondée sur cette asymétrie. Le discours homosexuel vient se caler sur ce déplacement où le social serait sexué alors que le couple devrait, de plus en plus, être asexué, puisqu'on va jusqu'à assimiler l'homosexualité au couple homme- femme dans le concubinage.
Cette fin de siècle voit peu à peu l'individualisme régnant faire éclater les distinctions nécessaires entre le psychologique et le social, afin que la société s'organise en fonction des tendances de chacun, vécues à ciel ouvert. Au lieu d'inviter chacun à se socialiser, mieux vaut faire fi des normes objectives. A chacun sa loi, selon sa tendance, ses goûts, ses aspirations, bref sa subjectivité.
C'est ainsi que le PACS, voulu et conçu par les homosexuels, se présente comme un nouveau statut juridique. En fait, il contribue à brouiller le lien social : il laisse croire que la société doit organiser toutes les formes d'associations affectives, même les plus complexes. Nous devrions multiplier les cadres juridiques pour reconnaître le plus d'unions possible (union libre, concubinage, PACS, mariage), afin d'obtenir des droits parfois incompatibles avec certaines situations. Mais la loi peut-elle régler toutes les insécurités et toutes les incertitudes qui se cachent derrière ces demandes alors que d'autres solutions peuvent être envisagées ?
Emporté dans un élan euphorique, le législateur va plus loin quand il encourage le concubinage. En l'inscrivant dans le code civil, il en fait un mariage déguisé, puisqu'il bénéficie des mêmes droits sans avoir été officialisé. Mais élargir le concubinage à la relation homosexuelle revient implicitement à instituer, en la gommant, la différence des sexes, en même temps qu'est affirmée l'impossibilité d'envisager un mariage pour les homosexuels et encore moins, pour eux, l'adoption d'enfants. A partir du moment où une égalité est établie au titre du concubinage, comment pourra-t-on justifier que tous ne puissent bénéficier des mêmes droits ? Finalement, cette solution est pire que le PACS, car elle oblige à penser que la réalité du couple, composé de deux personnes de genre différent, un homme et une femme, est semblable à une relation homosexuelle. La négation de l'altérité, c'est-à-dire du masculin et du féminin, au fondement du couple, de la réalité matrimoniale et de la parenté, serait créée dans le code civil.
En adoptant de telles lois, la société va entretenir la précarité affective, laissant croire qu'un particularisme, voire une orientation pulsionnelle, vaut une réalité universelle. Ce qui s'apparente à une imposture intellectuelle ajoute au brouillage des normes qu'on ne cesse de déplorer par ailleurs. La multiplication des situations singulières, pas plus que l'union libre, ne peuvent être considérées par le législateur de façon neutre ou équivalente à la relation matrimoniale.
On se refuse, dans le climat actuel entretenu et relayé par des productions médiatiques de plus en plus nombreuses qui la banalisent et en font la promotion, de se poser les vraies questions sur l'homosexualité, La simple réflexion sur le sujet (alors que nous ne sommes pas dans l'ignorance quant à ses structures psychiques) et toute critique des projets qui visent à l'inscrire dans la loi, se voient systématiquement neutralisées sous couvert d'homophobie. Mais cette invective n'est-elle pas d'abord un déficit de la pensée dont l'objet est surtout de mieux paralyser l'interlocuteur?
S'il est vrai que certains slogans, entendus ici ou là, sont inacceptables, personne n'entretient une quelconque haine à l'égard des homosexuels ou ne leur reproche leur tendance. De là à laisser organiser socialement une tendance sexuelle... seule la personne est sujet de droit et de devoirs, ce qui n'est pas le cas d'une tendance sexuelle. En revanche, certains militants, en exhibant leur tendance, en deçà de leur identité, ne peuvent que susciter une réaction de mise à distance. Cela s'explique fort bien : par leur attitude, c'est comme s'ils voulaient réactiver, chez les autres, ce qu'il y a de plus primitif dans la sexualité. Chacun ayant pu s'élaborer autrement que dans le début de sa vie sexuelle, on comprend dès lors, chez beaucoup, le refus de se comporter dans la réalité comme au cours de sa préhistoire affective.
Qu'on le veuille ou non, l'homosexualité reste le symptôme d'un problème psychique et d'un en-deçà de la différence des sexes. C'est pourquoi elle provoque une réaction pour ne pas se laisser prendre dans l'enfermement du même et du semblable. L'impuissance et l'infécondité dont elle témoigne ne peuvent pas être source de lien social. De ce fait, comment justifier que la société ait des dettes à honorer à son égard ? L'inquiétude qu'inspire l'homosexualité, au-delà du respect des individus, est un sain réflexe de survie quand elle apparaît comme la négation du sens de l'autre, de l'amour objectal et de la filiation. Inscrire dans la loi le droit à la confusion des sexes est une folie dont les générations futures auront à assumer les conséquences.
Tony Anatrella est prêtre et psychanalyste. (Bref, tout ce que j'aime, retenez son nom et méfiez-vous des imitations, ça doit être difficile de faire pire, mais certains s'y emploient...)
LE MONDE / SAMEDI 26 JUIN 1999 / 17