Bonne humeur
Les mauvaises pensées de Michel Braudeau - M'offrir, disent-elles
Le 1 janvier 1998
LE marquis de Sade, ce saint homme, fit ses débuts en prison pour avoir séduit à Marseille quelques jolies ingrates à l'aide de bonbons fourrés à la mouche cantharide et autres bestioles requinquantes. Il est vrai que par une erreur de dosage qu'excusent aisément les lacunes de la pharmacie artisanale de l'époque, les dames en furent malades à rendre l'âme et que, ainsi déboussolées et privées de toute résistance morale, elles durent subir du marquis les derniers outrages. On se montra fort injuste avec cet homme profond qui, tout bien considéré, n'avait fait que vérifier entre les draps ce que l'étymologie latine indique sans hypocrisie : séduire (de seducere) c'est écarter du droit chemin, "détourner", comme on dit joliment pour les mineurs, bref, amener l'autre à nos fins.
L'Eglise a, bien sûr, condamné ces errements et désigné le diable comme le séducteur par excellence. Cela ne nous empêche pas pour autant de continuer à offrir des bonbons aux petites filles et des sucettes aux grandes. Est-ce bien satanique ? Franchement non. Onéreux plutôt. Ruineux parfois. Mais quand on aime, on ne doit pas regarder à la dépense, tous ceux qui ont quelque chose à vendre vous le diront. D'ailleurs on peut aussi faire plaisir avec peu. Surtout en bas âge. Quelques billes, une poignée de trombones, un poisson rouge dans un verre à dents peuvent subjuguer une petite camarade de jeu, permettre une légère progression vers les joies du papa-et-la-maman. Mais, sauf en cas d'infantilisme caractérisé, il ne faut pas espérer aboutir à grand-chose avec cela, passés les quatre ou cinq ans. Dès six ans, elles commencent à coûter (je dis "elles", mais si c'est les "ils" qui vous intéressent, peu importe, jusqu'à vingt, vingt-cinq ans, c est le même tarif) parce que dans une société dominée par l'argent, où l'argent est un langage (dites-le avec des billets), tout, même l'amour, trouve tôt ou tard son expression monétaire. En général, tôt.
[... long chiant descriptif sur le bien fondé des cadeaux…]
A propos, que vous offrent-elles pour vous séduire, elles ? Une cravate pour vous pendre ? Des mouchoirs à vos initiales pour votre rhume ? Un gros câlin spécial pour les fêtes ? Non. Elles sont trop fines pour cela. Elles sont en position de cadeau et le savent. C'est tout à fait injuste, mais facilement vérifiable : ce qu'elles peuvent vous offrir de plus sincère, de plus délicieux, de plus abandonné, c'est encore d'accepter d'être séduites. Un regard, une pression de la main, un silence y suffisent. Ils sont, bien sûr, hors de prix.
M. B.
L'Eglise a, bien sûr, condamné ces errements et désigné le diable comme le séducteur par excellence. Cela ne nous empêche pas pour autant de continuer à offrir des bonbons aux petites filles et des sucettes aux grandes. Est-ce bien satanique ? Franchement non. Onéreux plutôt. Ruineux parfois. Mais quand on aime, on ne doit pas regarder à la dépense, tous ceux qui ont quelque chose à vendre vous le diront. D'ailleurs on peut aussi faire plaisir avec peu. Surtout en bas âge. Quelques billes, une poignée de trombones, un poisson rouge dans un verre à dents peuvent subjuguer une petite camarade de jeu, permettre une légère progression vers les joies du papa-et-la-maman. Mais, sauf en cas d'infantilisme caractérisé, il ne faut pas espérer aboutir à grand-chose avec cela, passés les quatre ou cinq ans. Dès six ans, elles commencent à coûter (je dis "elles", mais si c'est les "ils" qui vous intéressent, peu importe, jusqu'à vingt, vingt-cinq ans, c est le même tarif) parce que dans une société dominée par l'argent, où l'argent est un langage (dites-le avec des billets), tout, même l'amour, trouve tôt ou tard son expression monétaire. En général, tôt.
[... long chiant descriptif sur le bien fondé des cadeaux…]
A propos, que vous offrent-elles pour vous séduire, elles ? Une cravate pour vous pendre ? Des mouchoirs à vos initiales pour votre rhume ? Un gros câlin spécial pour les fêtes ? Non. Elles sont trop fines pour cela. Elles sont en position de cadeau et le savent. C'est tout à fait injuste, mais facilement vérifiable : ce qu'elles peuvent vous offrir de plus sincère, de plus délicieux, de plus abandonné, c'est encore d'accepter d'être séduites. Un regard, une pression de la main, un silence y suffisent. Ils sont, bien sûr, hors de prix.
M. B.