Bonne humeur
Michèle Mühlemann, la star super - Article pour le fanzine
Michèle MÜHLEMANN voulait être superstar, et comme elle avait les cheveux frisés, elle s'était dit que ça serait dans le genre chanteuse (elle avait quatre ans). Michèle MÜHLEMANN n'a plus les cheveux frisés, n'est superstar que trois minutes par spectacle, c'est pour rire, par contre elle est toujours chanteuse, c'est pas pour rire, sauf des fois.
En effet, le mélange est subtil, l'équilibre fragile : les thèmes de ses chansons ne sont pas spécialement drôles, solitude d'amourdeuse, doutes de chanteuse, et autres rencontres malhoureuses, mais le personnage est si généreux, le sourire si envahissant, les maladresses (les vraies et les fausses) si touchantes, qu'on sort le cur léger et la langue prête à toutes les audaces, souriant au souvenir de la petite fille montée sur sa chaise pour réciter son poème (faussement) naïf, se délectant de la fraîcheur des aventures d'un petit glaçon, retrouvant l'émotion d'une apostrophe à un mourant alcoolique, si monstrueux et si proche, ou l'éclat de rire du "tango de tous ceux qui chantent faux."
Car Michèle MÜHLEMANN aborde des problèmes de fond : la bougresse se rie de ses faiblesses musicales et des aléas de la création, joue de la guitare approximative, et, miracle, ça passe. L'accord qui coince, l'air concentré sur un accord de Do, ou victorieux après un "solo" hilarant, la vocalise avortée, tout lui est bon, son visage se résume alors à trois cavités immenses, les yeux exorbités et la bouche démesurément ouverte, à la recherche d'une note, d'un cri, d'une surprise, d'un baiser. Besoin de plus de musicalité ? Hop, deux complices multicarte (churs déglingués, percus hétéroclites, et guitares soignées), et le tour est joué, le spectacle complet, en "solo à trois", comme elle dit !
On retrouve cet éventail, en version sage, sur l'album "Amourdeuse" qu'elle vient de sortir (distr. Mosaïc Music, mais si, vous savez, les anciens de Scalen), mais à l'écoute, il faut être patient : la construction en est bizarre, avec presque que du triste au début, et les "tubes" plus tard. Moi, perso, je mets la touche random et le mélange se refait, comme en vrai. Par contre, la participation de nombreux amis et néanmoins musiciens redonne un goût de neuf et de frais à des chansons qu'on croit connaître par cur. Guitares furieuses de Cyril Delmotte, intro déjantée des "Malpolis," autre duo incontournable, churs d'un peu tout le monde, l'enrichissement musical est indéniable.
Un dernier mot sur la scène, quand même, car son chez elle, c'est là : vous voulez savoir le plus fort ? A force de jouer l'antistar, l'aguicheuse délaissée, la maladroite pas gracieuse, la gaffeuse pas méchante, la "boudeuse, chieuse heureuse", et bien elle séduit malgré tout, et, dîtes donc
ELLE EST BELLE !
(pour une fille, je voulais dire)
Nicolas BACCHUS