Mauvaise humeur

Des connards sauvages (Des Oiseaux de Passage au Vol Arrêté)

Le 10 janvier 2005

Je terminais le spectacle précédent par une chanson de Brassens et Richepin, Oiseaux de Passage, une chanson qui parlait d'oiseaux libres, et par extension d'hommes libres. Mais comme on est plus trop habitués dans ces périodes de sarkozite aiguë, on va finir par une chanson qui dit "c'est les oiseaux, jamais les balles, qu'on arrête en plein vol". C'est une chanson d'un poète Russe, Vladimir Vissotsky, qui est mort assez jeune des vapeurs de tabac, d'alccol, et de censure aussi, pas mal, et ça s'appelle La Fin du Bal. C'est vous dire si on va se marrer. Effectivement, c'est pas très gai. Moi j'aurais bien fini par quelque chose de plus joyeux, la griserie du vol libre, les oiseaux de passage, les grands espaces, tout ça…

Mais y'a la vraie vie qui rattrape, les canards sauvages se font de plus en plus rares, la chasse est ouverte.
Et nos ministres ont l’arrogance du chasseur impuni, du braconnier qui pense qu’un oiseau qui tombe fera toujours moins de bruit que le coup de fusil qui l’abat.

Un oiseau, oui, mais dix, mais cent, des milliers ?

Parce que tout le monde est visé ; la traque systématique de tout ce qui relève de la pensée, de l’éducation, de l’art, de la solidarité, de la gratuité en somme, cette battue n’épargne personne : elle fauche ceux qui sont déjà en l’air, brise l’envol de ceux qui partaient, cloue au sol ceux qui n’auront même pas le loisir de DESIRER, tellement ça paraîtra impossible, voire ridicule, d’être chercheur, musicien, archéologue, infirmière, professeur, tout ce dont on peut rêver quand on est poussé par autre chose qu'un souci de profit immédiat et matériel.

Alors je ne chante plus les oiseaux de passage, je chante le vol arrêté, la fin du bal.

Parce que le tir se fait serré, c’est la saison des connards sauvages, même si on est encore quelques-uns à zigzaguer avant que la mitraille ne retombe en chape de plomb, quelques-uns à ne pas se résigner, à se dire que si on est moins nombreux, on n'a qu'à crier plus fort, quelques-uns à se promettre que même si on tombe, on ne s’écrasera pas, quelques uns à se jurer que notre dernière plume servira encore à dénoncer le tireur bien nourri, sûr de son impunité et content de son ignorance.
Tellement inconséquent d'ailleurs, qu’il ne voit pas que ceux qu’il abat, un jour, vont lui tomber dessus.

Nicolas BACCHUS
(En concert, introduction à la chanson de Vladimir VISSOTSKY "La fin du bal")

 
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