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Bacchus, libertin j’écris ton nom ! (chronique album)
L'art-scène.org - Le 6 décembre 2010
Même pas mort ! Bacchus bande encore ! Cinq ans après la parution de lalbum A table, Nicolas Bacchus remet les pieds dans le plat de la chanson avec un nouvel album, La verVe et la Joie où lamusante contrepèterie nous apprend que notre libertin libertaire est toujours amateur de belles plumes
Nous voilà donc rassurés, Bacchus vieillit bien. Comme le bon vin. Quand daucuns se ramollissent au fil du temps, lui nous revient en pleine bourre, la quarantaine aux aguets, la rage subtile à fleur de peau, brandissant son besoin damour intarissable, dispensant une générosité démesurée avec lhumilité de celui qui a pris des coups dans la gueule et qui se relève.
Alors, "Il vaut mieux faire une bonne dépression quun mauvais disque" lance-t-il simplement pour expliquer ses 5 années dabsence discographique, nempêche que, fidèle au précédent exercice, La verVe et la Joie arrive comme un album fraternel et non pas communautaire. Pas un album de back room mais un album cuménique où les copains, les copines, les repères, les fidèles de tous bords et horizons ont répondu présent dune seule voix. Manu Galure, Giovanni Mirabassi, Lucas Rocher, Hélène Billard, Michel Herblin, Dany Rodriguez, Yoann Ortega, Sylvain Mercier, etc. Il y a du gars, de la fille, de lhomo, de lhétéro, du jeune et du moins jeune, du parisien, du suisse, du toulousain, de litalien et "gens passe" comme on pourrait lire au refrain du titre liminaire de lalbum, Les gens de mon pays. ("A regarder saffoler les gens goisse / A regarder saffoler les gens pleure / A regarder saffoler les gens rage / A regarder saffoler les gens meure"). Superbe ouverture dalbum - en fanfare et tous cuivres dehors - avec cet hymne au réveil citoyen écrit et composé par limpeccable Thomas Pitiot déplorant que "Les gens de [son] pays ont peur / Du noir, de la panne dascenseur" avant de conclure presque rageusement : "Allons enfants de lapathie / Le jour de gloire est reparti".
Ce 4ème album de Nicolas Bacchus est un concentré dexistence, de son existence avec la nôtre en filigrane, une uvre qui foisonne et vient faire la synthèse des 10 premières années de carrière de lanimal. Oui, déjà ! Ici, avec La verVe et la Joie, généreux florilège de 16 morceaux choisis, notre troubadour multiplie les registres et nous embarque une heure durant au gré de ses engagements, entre chants de résistance, damour, dhumour et de franche rigolade. Mais cela ne fait-il pas quun au bout du compte ? Bacchus ne nous la joue-t-il pas tout simplement passeur, souffleur de vers, en amoureux de la poésie populaire quil est ? Il chante ses propres mots, ceux de ses collègues contemporains, ceux de Bernard Dimey sur une radieuse adaptation de La Pierrette à Pigalle ou ceux vibrants de Vladimir Vissotski (La fin du bal) avec la même passion, la même profondeur jaillissant de ce bel organe grave dont il est pourvu.
Sur ce disque, dorgane(s) il est souvent question. Si "le cul est la plus vieille histoire de cur" selon Sarclo, les histoires damour chez Bacchus ne manquent pas de sel non plus. Dépassant le stade de la provoc stérile, sur certains textes que lon jugerait faciles et à la rime trop riche de prime abord (Ce que je fais de moi), le libertin semble plutôt semployer à faire entrer ses pratiques sexuelles dans nos mentalités, à peindre volontairement avec de gros pinceaux que lon peut être pédé, avoir des fantasmes, des désirs et les avouer publiquement. Que ce nest pas sale (à peine impudique) et quil est beaucoup plus sain de rechercher une sincérité personnelle fût-elle pour certains dogmes à brûler en place publique... ("Ô vous, les papes fiers, les cénobites / Balayez donc dabord sous votre croix, / Avant que de trancher, et laissez nos bites / En paix, cela ne vous regarde pas.") En attendant, notre Pygmalion effeuille ses pages, autant de gitons en son giron jusquau jour où pris à son propre jeu, la mère dun mignon ferait bien de ce Valmont son gendre... "A ces gentilles mamans / Qui veulent un autre fils / Je préfère leurs enfants / Elles, ce serait du vice." se défendra-t-il (Ta mère me veut pour gendre).
Lorsquil ne chante pas seul, Bacchus a fait le choix dêtre bien accompagné. En duo avec Anne Sylvestre, sur un superbe texte du fidèle Erwan Temple, Bacchus nous gratifie dune perle avec Cousine, manière de chanson-bilan de combats comparés. Faut-il y voir un passage de témoin, de génération à génération, le constat que les luttes dhier valent bien celles daujourdhui ? "On invente dautres manières / Pour passer les années dhiver / Dautres armes, dautres chansons / Des trucs pour énerver les cons / Et des remparts à nos folies / Merci" terminent ensemble les deux protagonistes après que chacun ait exposé les faits darmes de lautre. On en frissonne.
Côté sourire, sur un texte de Patrick Font (Identité Nationale) posé sur la musique du Métèque de Moustaki, dans un esprit de franche camaraderie, Agnès Bihl, Sarclo, Bacchus et Font nous font vivre 4 minutes de café-théâtre désopilant nous faisant regretter le temps dun célèbre duo dont lun des deux acteurs a mal tourné sur une station publique...
On pourrait ainsi sattarder sur les 16 titres de lalbum et dire notre gourmandise pour chacun dentre eux tant lexercice est réussi dans les textes comme dans la musique où alternent énergie, respiration et tendresse.
Illustré avec lélégance qui lui convient par Piérick Rouquette (du groupe Les Malpolis), La verVe et la Joie est lalbum le plus abouti de Nicolas Bacchus, le plus généreux. Lalbum dun libertin fidèle. Un album hétéroclite (il ny a que lalbum dhétéro !) qui ne se disperse pas, variant habilement les humeurs, tantôt gaies, tantôt rageuses, parfois plus tristes mais toujours optimistes.
Quon se le dise, Bacchus est debout, Bacchus a encore la sève, Bacchus chante le droit à la liberté, toutes les libertés. Marâtres et mères frileuses, cachez vos fils, le Pygma-lion est lâché !
David Desreumaux
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