La Marseillaise
Bacchus avec mention
Nicolas Bacchus, deuxième semaine...Invité, après les Lyonnais Antiquarks, des résidences mises en place par l'Exodus, dans la foulée de la sortie de son album A Table, il a choisi d'y associer les deux gamins de Royal Breakfast afin de donner de nouvelles couleurs à son répertoire. Et c'est avec eux que débutent les concerts que donne le sieur Bacchus les jeudis, vendredis et samedis depuis la semaine dernière, dans le but avoué, en fin de résidence, qu'ils ne quittent plus le plateau. Et force est de constater qu'entre ces deux guitaristes, s'ils intervertissent leurs cordes avec la même aisance déconcertante, c'est le contraste qui fait la force, entre clown blanc (Steven Used, flegmatique et quasi mutique) et Auguste (Lucas Rocher, sémillant et hâbleur). Deux bo-gosses au service de chansons bien troussées, et qui ne s'en laissent pas conter, qu'il s'agisse de l'après-CPE ou d'éventuelle Nouvelle Star, préférant s'appuyer sur Le pornographe du phonographe de Brassens, glissant, dans un quasi-scat, du "polisson" au "polysound"...
Comique, tragique et Lévitique...
De leur travail en cours avec le "vieux" Nicolas - vrai faux conflit de générations dont on se délecte autant qu'eux - émergent déjà de belles saillies, à l'instar de la version country de Ton fils ou sur, plusieurs chansons, des accents blues énervés, voire carrément rock. Pour le reste, c'est idem : Bacchus est, on l'a dit et on le redit, un auteur souvent génial (Peter Pan et son "j'veux pas être jeune", Les maladies mortelles, La chair est triste hélas, et on en passe), un interprète qui passe en un tour de rein du comique au tragique en passant par de grandes embardées politiques, et généreux au point de s'emparer d'autres plumes, celles de Michèle Bernard notamment, ou d'un Suisse nommé Sarclo ("avec un "L", hein...") pour un tordant Dieu est une magouille de l'opposition. Un anticléricalisme dont on se délecte, surtout lorsque l'impétueux, boutant pour un temps sa Boutin préférée, prend la défense de Christian Vanneste, député UMP condamné pour homophobie, s'appuyant comme lui sur le Lévitique en demandant qu'on réduise sa soeur en esclavage ou qu'on lapide son oncle...
De jeux de mots gratuits en grands élans payants (la reprise de La fin du bal, de Volodya Vissotski, poignante), Bacchus ne faiblit jamais, au contraire, même quand il s'agit de meubler pour accorder une guitare défaillante ("et pourtant, meubler, c'est pas commode..."). Alors, lorsqu'il rallonge la liste de ses "versions" du Petit Ane Gris d'Hugues Aufray (moulinette où sont déjà passés Renaud, Aznavour, Bruni, Delerm, Cabrel, Goldman, Barbara), ce n'est jamais en resucée (oh pardon), mais un vrai régal. Imaginez le-dit Ane en fin de vie, dans une version belge récemment retrouvée, supplier et implorer : "Ne me pique pas..." Mémorable...
Dennis Bonneville pour