FrancoFans n°87 (fev-mars 2021)

Nicolas Bacchus : le goût des autres...

FrancoFans n°87 (fev-mars 2021) - Le 1 février 2021

L’auteur-compositeur-interprète Nicolas Bacchus est bien connu pour ses albums et ses spectacles qu’il propose depuis plus de vingt ans. Son prochain album, le premier depuis 2012, est en chantier et sera certainement un des évènements de la nouvelle année…

Mais Nicolas Bacchus est aussi un entrepreneur qui s’engage dans le quotidien pour soutenir les artistes qu’il admire en partageant avec une belle générosité ses compétences de producteur et de distributeur. Rencontre du côté de Lyon.

Bacchus qui chante
Nicolas a commencé jeune l’apprentissage de la musique dans une famille dans laquelle on écoutait beaucoup la chanson. « Biberonné à Renaud », il a commencé à chanter des reprises dans les bars de Clermont-Ferrand où il faisait des études d’éducateur spécialisé. Installé ensuite à Villefranche-de-Rouergue dans l’Aveyron, il interprète quelques-unes de ses premières chansons, dont la police n’apprécie pas vraiment les textes très engagés. Philippe Pagès, l’ancien directeur du Bijou de Toulouse, se souvient des premiers pas du jeune éducateur. Il faisait des chansons « à la Charlie Hebdo » plutôt « vindicatives et très drôles » avec « une verve terrible ». « Il a été le premier à revendiquer aussi clairement son homosexualité » ajoute Philippe Pagès qui a vu ensuite « son répertoire évoluer, son ton s’adoucir, les formules choc conservées
mais dans des formats nouveaux »
. Pour Gérard Morel, qui l’estime beaucoup, « c’est un chanteur qui nous met un peu en désordre et j’aime bien quand il y a des trucs qui gênent ».

Nicolas a construit son parcours le plus souvent hors des projecteurs, hormis de belles premières parties de Bénabar, Delerm ou Juliette. Il « fait tout tout seul », en particulier l’organisation de ses tournées. Jean-Claude Barrens aujourd’hui directeur du festival de Barjac, le Bijou de Toulouse, le Rabelais à Annecy et les Lyonnais d’À Thou Bout d’Chant l’ont toujours fidèlement soutenu. Comme il le clame, « trop pédé, trop politique, trop malpoli », certaines salles ont souvent trouvé un prétexte pour ne pas le retenir dans leur programmation.

Bacchus a toujours intégré les reprises à une belle place, aussi bien sur ses albums que dans ses spectacles. Il aime interpréter, avec des arrangements qui lui sont propres, des chansons qui l’ont touché comme celles du russe Vladimir Vyssotski que sa mère, prof de Russe, lui a fait connaître. « Je suis chanteur », dit-il, « et je n’ai pas envie de me contenter de ce que je peux écrire moi-même ».

Son dernier album a été enregistré en public en 2011. Dix ans après, un nouvel album va voir le jour en 2021 pour les cinquante ans de l’artiste, qui entamera ensuite une tournée « des concerts de la prostate » annonce-t-il avec délectation.

Les Bacchanales de Nicolas
En 1998, Bacchus a produit lui-même son premier album. Il fait ensuite la connaissance de Manu Galure qu’il a tout de suite beaucoup admiré. Ses compétences acquises lui permettent de produire le premier album de ce jeune artiste. Kiui Prod, la structure de production mise en place avec un partenaire, prend en charge les albums qui suivent. D’autres disques, d’autres artistes, rejoindront ensuite son catalogue, comme Lucas Rocher, Sarclo, Thibaud Derien. Nicolas a créé ensuite tout seul Bacchanales Productions, une structure qui abandonne les tâches administratives et se concentre sur le disque et les spectacles.

Les concerts démasqués
C’est cette casquette de producteur qui lui a permis de produire deux « concerts démasqués » filmés à À Thou Bout d’Chant pendant le premier confinement avec
Évelyne Gallet, Gérard Morel, AnneliSe Roche et lui-même. Le premier d’entre eux a réuni deux cent quarante spectateurs, plus de mille visites pendant le direct et près de deux mille aujourd’hui, alors que cent-soixante-quatorze donateurs ont versé une somme de trois mille deux-cents euros. Le second concert n’a pas eu le même écho mais, au final, la salle, les artistes et les techniciens ont tous été rémunérés normalement. Pour Lucas Roullet-Marchand, co-directeur de la salle, cette expérience a permis de mobiliser
l’équipe d’À Thou Bout d’Chant en période de confinement, qui a réédité ensuite l’expérience avec un spectacle du chanteur Patrice Mercier. Mais, tient-il à préciser, « personne ne souhaite que ce soit un modèle à encourager ». Il est donc hors de question pour lui qu’une salle de spectacle envisage de retransmettre des spectacles organisés avec des artistes en tournée. Nicolas Bacchus estime pour sa part que l’expérience acquise pendant le confinement pourrait être utile pour monter des projets de retransmission de certains concerts selon un modèle technique et économique qui pourrait conforter le spectacle vivant « en présentiel », tout en rémunérant normalement les acteurs qui s’y investiraient.

Avec Pitiot pour Ferrat
Après plusieurs années en groupe, notamment avec Virage à Droite, Nicolas participe
aujourd’hui au collectif C’est un joli nom camarade, un spectacle hommage à Jean Ferrat produit par Thomas Pitiot, avec douze chanteurs accompagnés de quatre musiciens. On y trouve un rappeur, une chanteuse lyrique, un slameur, Francesca Solleville, Imbert Imbert et bien d’autres de toutes sortes d’univers musicaux, ce qui « fait exploser les arrangements de Jean Ferrat dans tous les sens » précise Nicolas. Le spectacle a d’abord été donné au Festival Aubercail en mai 2014 puis a tourné un peu avant le confinement. Ce spectacle est aussi devenu un album, distribué par Bacchanales Productions. Le moment fort de la tournée devait se produire en 2020 à l’occasion de l’anniversaire des dix ans de la disparition de Ferrat. Les concerts ont donc été reportés ou annulés, mais il reste encore quelques dates au printemps ou à l’automne 2021.

Bacchus le distributeur
Son appartement de Villeurbanne est le siège de Bacchanales. L’ensemble des disques disponibles y sont entreposés et c’est Nicolas qui se charge d’en faire les expéditions au bureau de poste voisin. On y trouve donc les albums des artistes produits par Bacchanales, comme Manu Galure et Lucas Rocher, mais également ceux des Lyonnais Reno Bistan, Lily Luca, Lucarne et Frédéric Bobin, ainsi que de nombreux artistes-amis comme Chouf, Manu Lods, Sale Petit Bonhomme, Sarclo, Elie Guillou, Claude Astier, Gaëlle Vignaux et Mathieu Barbances.

Un entrepreneur engagé
En deux décennies, Bacchus a montré ses talents de producteur d’albums et de spectacles. Il sait monter des dossiers, courir à la recherche des financements,
gérer ensuite les projets sur lesquels il s’engage. On a l’impression qu’il privilégie parfois les autres projets avant les siens. Son dernier album, le cinquième, remonte
à 2012 et il a donc attendu près de dix ans pour en mettre un nouveau en chantier. Mais de toute évidence, il prend plaisir à ce travail d’entrepreneur engagé au service de la chanson qu’il aime. La chanteuse Garance exprime à sa façon ce que beaucoup ressentent « Nicolas est quelqu’un de gentil qui sait créer des ponts entre les gens ». C’est un « partageur » qui n’est « pas avare de ses coups de main et de son temps ». De son côté, Philippe Pagès a bénéficié lui aussi de ses conseils quand il a organisé les trois-cent-soixante représentations de la tournée de Manu Galure lors de son Tour de France à pied et en chansons, puis produit le nouvel album de l’artiste qui vient de sortir. « C’est un chanteur qui se bouge pour la chanson, pour les autres » ajoute son ami, Gérard Morel.
Nicolas Bacchus s’est engagé dans son répertoire et il a chanté pour de nombreuses causes comme celle des homosexuels (Les maladies mortelles) ou celle des sanspapiers (Les sans-papiers, Identité nationale). Il répond facilement aux sollicitations et aux appels à manifester pour les combats qu’il soutient. Il est toujours resté le militant qu’il était déjà au lycée. Toutefois, c’est son engagement professionnel qu’il veut mettre en avant. Il considère que c’est dans les actes du quotidien qu’on défend le mieux ses idées et ses espoirs :
« La manière dont on travaille et dont on vit, doit être le plus proche possible de la manière dont on pense. »
Avec lui, il n’y a pas l’ombre d’un doute !

Article réalisé par Yves le Pape

 
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