La Marseillaise

L’indispensable impénitent

La Marseillaise - Le 9 avril 2004
Fans de Juliette, voici une nouvelle « bombe textuelle » en provenance de la ville rose : acide ou poignant, Nicolas Bacchus ne mâche pas ses mots et ne ménage pas sa plume.
Tandis que la ronde et féconde Juliette achève son récital « Ma vie, mon œuvre, mon orchestre » à la salle Gaveau parisienne –que l’indomptable garagiste ne fera, hélas, pas tourner-, les assoiffés d’impertinence trouveront largement leur consolation dans la petite salle de l’Exodus marseillais, qu’investit un certain Nicolas Bacchus, lui aussi toulousain, et surtout aussi impitoyablement talentueux que sa sus-citée concitoyenne.
Pour résumer, on pourrait tout simplement vous renvoyer à l’excellent opus Balades pour enfants louches (Mosaic Music), enregistré sans cuts au Bijou, haut lieu des nuits de la ville rose.
Pour les sceptiques, on peut développer : ponctué d’interventions décapante, n’hésitant pas à prendre le temps de développer ses idées non consensuelles et « politiquement j’t’emmerde » sur Danone et les Restos du Cœur, le Pacs (avec deux belles cibles, Christine Boutin et Philippe Double-Ecstasy), les lois liberticides ou la vie-privée-qu’il-ne-souhaite-voir-privée-de-rien, il est un poil à gratter « au pull rouge et à la langue verte », un néo-libertin autoproclamé, un cabotin sans scrupules, et il le prouve, fustigeant les « bonnes causes et leurs mauvaises raisons » avec autan de hargne que les jolis garçons qui écoutent trop leur mère.
Orgiaque et sensible
Pour ses saillies, le guitariste sait bien s’entourer (percus, violoncelle, harmonicas, guitares, etc.), et l’auteur, pas mégalo, sait aussi emprunter aux bons : Brassens, Gainsbourg, Richepin ou Giono, qu’il n’hésite pas à extrapoler (les P’tits Papiers devenant un militant Sans Papiers), ou encore notre local Serge –Saucisse- Scotto (pour les décapants Restos). Sans oublier Hugues Aufray et son mythique Petit Âne Gris, prétexte à une surprenante variation imitationnelle qui égratigne plus ou moins Aznavour, Cabrel, Barbara, Renaud, Queen.
Voilà pour le côté trublion du bacchanal Bacchus, un être engageant et engagé, et orgiaque, en effet. Mais le panégyrique serait pour le moins bancal si l’on n’écrivait ici que ledit Bacchus s’appelle avant tout Nicolas Bages. Et que ce Nicolas-là est un poète, à la plume aussi douce qu’elle peut être, en Bacchus, acérée. Et que là aussi, il sait bien choisir ses partenaires (Dany Rodriguez pour l’excellent Fiasco), tout en fignolant ses propres textes. Au final, des mots inédits et poignants sur l’absence, la séparation, la solitude, etc. Des exemples « Rester ne vaut que si l’on sait qu’on peut partir ». « Ne sois pas mon amour, ne sois pas mon ami / Écrivons sans le lire notre vivant poème / Soyons doux, soyons pires, ou rien, soyons nous-mêmes / Et faisons chaque jour ce qu’on n’a jamais dit ». On y ajoutera le Brélien Allez l’Ami : « Allez l’ami, on f’rait semblant de rien / Et puis on s’marrerait comme des gamins / Et dans tes rires et dans les miens / Y’aurait des larmes remises à demain… »
Bon, on arrête là, sinon, on retranscrirait dans son intégralité le livret de ces Balades. On arrête là, et on se précipite à l’Exodus. Et qui sait, on y croisera peut-être Juliette…
Denis BONNEVILLE
 
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